Édouard Mendy : « On met de l’essence pour une saison. »

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Gardien de but, un poste à part mais qui ne demande pas moins de travail. Édouard Mendy évoque la préparation, point de départ à ne pas rater pour une bonne saison. Entretien. 

 

Édouard, en quoi une préparation d’avant-saison est aussi importante pour un gardien que pour un joueur de champ ?
C’est hyper important car elle permet de retrouver les sensations avec le ballon. On a aussi besoin de retrouver les repères visuels par rapport aux dimensions du terrain et à tout ce qui peut se rapporter à des sensations de match. Les entraînements et les matches amicaux sont là pour ça. Elle permet d’installer les bases physiques avant une saison chargée qui va bientôt arriver. On fait un gros travail de pliométrie, de vivacité et de tonicité. On met de l’essence pour une saison. C’est pour ça qu’il est essentiel de bien travailler et de la faire en entier. L’année dernière, je n’ai pas eu la chance de la faire étant arrivé après la CAN. Cette saison, il est important de la faire pour pouvoir avoir l’énergie nécessaire. Avec Olivier Sorin, l’entraîneur des gardiens, Grégory Gaillard, préparateur physique, et Thomas Choisnard, responsable de le performance, on fait du bon travail. On a bien quantifié les charges de travail.

« garder le contact avec le ballon et le sol »

Comment as-tu fait pendant le confinement ?
J’ai la chance d’avoir un peu de matériel chez moi donc j’essayais de faire le plus d’exercices possibles avec le ballon pour ne pas perdre les sensations visuelles. J’avais mon ballon, je tapais contre un mur pour travailler les prises de balle. Plus je tapais fort, plus il revenait vite. C’est bon pour les réflexes. J’ai aussi la chance d’avoir un jardin, je pouvais faire de la mise au sol, toujours en tapant contre un mur en faisant en sorte de varier les hauteurs de frappe. Ce sont plein de petits exercices qui permettent de garder le contact avec le ballon et le sol.

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Les murs ont souffert ?
Oui, et ça va, j’ai des voisins compréhensifs. Ça s’entendait mais je faisais ça l’après-midi. Comme quand on passe la tondeuse, il y a des heures à respecter pour tous bien vivre ensemble. Un ballon qui tape pendant 45 minutes, ça peut être gênant mais j’ai des voisins très gentils et aimables. Je les remercie pour leur patience pendant le confinement.

Comme un magicien qui manie ses cartes, un gardien a-t-il besoin constamment de manipuler le cuir ?
Ballon-main, ballon-pied, avec une mains, deux mains… Nous, les gardiens, avons toujours besoin de garder ce contact. Il ne faut pas le perdre car en match ça va très vite. On a une longue préparation donc on a le temps de se refaire au niveau des sensations. Mais heureusement, Romain (Salin), Pépé (Bonet) et moi avons pu travailler avant grâce aux exercices d’Olivier. Ça nous a permis de vite nous y remettre mais aussi éviter les blessures. On n’est jamais à l’abri mais pendant la coupure, le risque était accru.

« une priorité pendant la saison »

Tu comptes beaucoup sur ces deux mois de pré-saison ?
J’ai toujours placé cette période comme une priorité pendant la saison. À chaque fois que j’ai eu une préparation complète, j’ai toujours carburé après. J’espère que ce sera encore le cas. La saison dernière, j’ai dû m’adapter. Après au Stade Rennais F.C., ça travaille très bien. Avec le staff, on a réussi à combler le manque de préparation de l’été dernier, même si physiquement c’était compliqué. Cette fois, c’est ma première à Rennes. Je découvre aussi certaines choses et ça me permet de progresser.

Jeudi, avec Romain Salin, vous avez effectué une longue séance de gainage après l’entraînement…
C’est important d’être solide et de travailler ses muscles en profondeur. On a des fois des arrêts difficiles à faire. Il faut être bien gainé pour amortir les chocs et être difficile à bouger dans les duels. C’est dur mais en situation extrême, sur des ballons compliqués, le corps répond très bien.

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Ton grand gabarit t’a amené au poste de gardien dès le plus jeune âge ?
Non je n’ai pas commencé gardien. Plus jeune, j’aimais bien être sur le terrain. Quand je joue avec les amis ou les cousins, je vais sur le terrain. Aller dans le but, ça s’est fait assez naturellement. Un jour, le gardien habituel n’était pas là et j’étais déjà plus grand que les autres, alors j’y suis allé. Je me servais bien de ma taille et ça s’est bien passé. Être décisif, avoir un impact sur les résultats, j’ai aimé ça, ça m’a tout de suite plu. J’y suis resté.

Tu avais quel âge ?
C’était dans mon premier club, à Caucriauville (ndlr : un quartier du Havre) où j’ai joué de Débutant jusqu’à Benjamin. Avant de rejoindre le Havre en U13, j’étais indécis. J’aimais bien aller sur le terrain. Dès que l’on gagnait sur un gros score, je sortais du but pour essayer d’aller en mettre un de plus. Mais je me suis rendu compte que si je voulais faire quelque chose dans le football, ce sera compliqué en joueur de champ. J’ai mis le paquet pour être gardien de but, j’ai fait le bon choix.

Tu as toujours été plus grand que les autres ?
Oui j’ai toujours eu une ou deux têtes de plus que tout le monde. Dès le début, j’avais les atouts pour être dans le but.

« un centième de seconde de perdu et c’est un ballon qui passe »

Quand on frôle les deux mètres, ne se repose-t-on pas sur ses acquis ?
Non car on a justement des gabarits qui font que si on travaille un peu moins, on devient un peu plus lent. Un peu plus lent, ça veut dire un centième de seconde de perdu, c’est un ballon qui passe, c’est un but. Au niveau où nous sommes, dans le club dans lequel j’évolue avec les ambitions qui vont avec, on doit toujours être dans la recherche de la performance, vouloir progresser, repousser ses limites et être plus fort que la veille.

Romain Salin te place dans le top 3 français. Comment reçois-tu son avis ?
C’est très sympa de sa part mais je ne veux pas me situer. Si je suis performant, c’est parce qu’on se pousse tous les trois à l’entraînement avec Romain (Salin) et Pépé (Bonet). Il y a une très bonne entente. Ils sont très importants au quotidien pour m’aider à être performant. Ils ont aussi montré que l’on pouvait compter sur eux. Mais je n’aime pas parler de moi. Je laisse ça aux autres. J’essaie d’être le meilleur pour l’équipe et être à chaque fois plus fort.

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Que penses-tu de la saison écoulée ?
Je suis venu au Stade Rennais F.C. pour passer un ou deux paliers, poursuivre ma progression, continuer à avoir des ambitions grandissantes au fil des années. C’est exactement ce que j’ai trouvé à Rennes. J’ai aussi trouvé une ferveur qui donne des frissons. À Reims, il y a des supporters passionnés mais le stade ne vibre pas comme au Roazhon Park. Le stade, c’est vraiment un endroit où il y a une pression pour l’adversaire. Ça nous donne de la force quand c’est un peu plus dur physiquement. J’ai trouvé une incroyable ferveur, un vrai projet où je me retrouve. Je suis satisfait de mon choix et de ma saison. La saison prochaine, il faudra être dans la continuité.

« le Roazhon Park procure de sacrées émotions »

Puisque tu parles de ferveur, quand on est gardien, on est parfois acteur et spectateur de ce qui se passe loin devant…
Oui des fois, ça part de nous et ça se transforme en but de l’autre côté. Dans le projet que le coach met en place, le gardien est très important. Et dès qu’il y a un but, c’est un moment plaisant, surtout à domicile car comme je l’ai dit, le Roazhon Park procure de sacrées émotions. C’est exceptionnel. Mais même à quatre-vingts mètres de l’action, on profite comme si on était à deux mètres.

Un gardien se fixe-t-il des objectifs comme un joueur offensif ?
On se fixe toujours des objectifs plus ou moins atteignables. Ce sont des choses sur lesquelles on peut se reposer sans se mettre de pression particulière. Ça ne doit pas changer la façon de jouer. À titre personnel, oui j’ai des objectifs mais le gardien fait partie d’un collectif et il est important qu’il fonctionne bien.

Pas même un chiffre en tête ? 
Il y a 38 matches, il ne faudrait pas prendre 38 buts. On est une équipe qui attaque, des fois on est exposé. Ce qui compte, c’est de mettre un but de plus que l’adversaire. Même s’il faut éviter de passer par là, s’il faut faire 4-3, tant que l’on gagne. L’objectif c’est surtout d’en mettre le plus possible.

« j’apprécie beaucoup Jan Oblak »

Quelles sont tes références à ton poste ?
J’aime beaucoup Gianluigi Buffon car il a su s’adapter au fil des saisons. Le poste de gardien a beaucoup évolué et il s’est adapté avec le temps. J’aime aussi Tony Sylva, ancien gardien de notre sélection et actuel entraîneur des portiers du Sénégal. On ne peut pas ne pas citer Manuel Neuer et Petr Čech. Sinon en ce moment, j’apprécie beaucoup Jan Oblak. C’est pour moi le meilleur gardien du monde en ce moment. Il est hyper complet, il dégage quelques chose dans le but. Il est très performant.

Pour finir, quel est le secret pour ne pas se faire mal à force de se jeter ?
(rires). Il faut se rassurer, on se fait mal. À la fin de leur carrière, certains gardiens ont des hanches assez atteintes. Ça concerne aussi les genoux, les coudes et les épaules. L’accumulation des plongeons, pour le corps, c’est assez contraignant et traumatisant. Il faut bien se protéger et ne pas négliger les soins après les séances. Pour un footballeur, son corps, c’est son entreprise. Il faut en prendre soin et être à l’écoute. On a une cellule médicale très performante, on l’utilise au maximum pour récupérer le plus rapidement possible. C’est pour ça qu’il ne faut pas se priver du gainage, du renforcement, des étirements et des soins mis à disposition.

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