Entraineur d’une réserve première de son championnat de CFA, Julien Stéphan est depuis l’arrivée de Christian Gourcuff l’éducateur du Stade Rennais F.C. qui fait le lien entre la formation rennaise et le groupe professionnel. Observateur, conseiller, le fils de Guy Stéphan garde à un œil attentif sur l’évolution de ses jeunes.
« Ce que sont en train de réaliser les garçons c’est fort »
Le week-end dernier, la victoire a mis du temps à se dessiner et c’est finalement passé face à Romorantin…
On a affronté une belle équipe de Romorantin qui a montré que c’était une bonne cylindrée de CFA compliquée à manœuvrer et en confiance puisqu’elle restait sur trois victoires consécutives, sept buts inscrits et aucun encaissé. On a eu plus de maîtrise que notre adversaire. Comme ce fut le cas face à Cholet, on a manqué de justesse dans le dernier geste parce qu’à la mi-temps on aurait dû mener au regard de notre domination territoriale. En seconde période, je sentais de l’extérieur que ça pouvait tourner en notre faveur. Quand les évènements se répètent c’est que ça n’est plus du hasard.
Pourquoi ?
Il y a plusieurs explications. Les joueurs y croient jusqu’au bout. Ils savent qu’ils sont capables de faire la différence à tout monde. Sur le plan athlétique, les joueurs sont prêts. On concède très peu de trous d’air, on est capable de mettre du rythme jusque dans les arrêts de jeu et de fatiguer notre adversaire par notre maitrise collective, par notre jeu de passe. La réunion de ces trois facteurs fait qu’en ce moment on arrive à faire basculer les matchs en notre faveur en fin de rencontre.
Un nouveau système, un nouveau championnat, de la continuité dans les contenus... comment jugez-vous cette saison ?
Si on m’avait dit ça en début de saison, j’aurais signé tout de suite. Basculer en tête après 18 journées de championnat c’est assez significatif de ce qu’est capable de produire cette équipe dans un championnat âpre et assez difficile. Toutes les équipes ont un beau niveau, certaines sont un ton au-dessus. Le CFA est un championnat qui demande une remise en question permanente. Pour l’instant on arrive à bien le faire. Ce que sont en train de réaliser les garçons c’est fort. Rester le plus haut doit être un challenge pour eux.
Le match de retour des vacances à Mantes était poussif. Depuis deux matchs, il y a une réelle montée en puissance de notre expression collective. Les garçons sont en plus récompensés puisqu’ils ont récupéré la première place ce week-end. C’est amplement mérité au regard de leur investissement au quotidien. Le classement m’importe peu, c’est anecdotique, je préfère observer et analyser le comportement de mon équipe, voir les points forts et les points sur lesquels il faut encore travailler.
À l’exception des 7 buts encaissés à Paris, votre équipe n’a encaissé que 9 buts en 18 journées. La solidité défensive est une grande satisfaction. À l’inverse, offensivement, ça coince un peu…
Avant ce match à Romorantin, nous n’avions marqué que deux fois en quatre matchs. Je regrettais que nos attaquants ne soient pas efficaces, le doublé d’Abderrahmane (Yousfi) est une belle réponse. Je ne pense pas que ce soit une question de poste, tout le monde doit être au diapason pour être plus juste dans la dernière passe. On arrive à emmener le ballon dans les zones favorables mais on n’a pas encore suffisamment de justesse pour aller au bout de nos idées. Travailler la finition est une chose mais il ne faut pas délaisser ce socle défensif qui nous caractérise si bien.
Ce passage au football sénior a-t-il changé votre façon de voir l’évolution des jeunes ?
Bien évidemment. Depuis deux ans, je vois et je vis les choses différemment. Mon regard a changé sur l’évaluation des joueurs. Aujourd’hui les U19 et U17 travaillent bien, ils sont performants. Tant qu’ils n’auront pas goûté au foot sénior, il sera très difficile de se projeter avec eux. C’est aussi la raison pour laquelle on les fait monter rapidement en D.S.E. Plus tôt, ils se frotteront à la difficulté du monde adulte, plus notre évaluation sera pertinente. Les joueurs doivent prendre conscience que c’est le foot sénior qui leur permet de s’étalonner.
« La proximité permet de développer davantage le lien de confiance »
Les noms de Nicolas Janvier, Joris Gnagnon, James Lea-Siliki, Adama Diakhaby reviennent souvent dès qu’il est question du groupe pro mais où en sont les jeunes qui n’ont pas encore goûter à la Ligue 1, Denis Will Poha, Alexandre Leroyer, Jérémy Gelin, Sabri Toufiqui…
Pour l’instant ils font partie de cette équipe première de CFA. Ça fait longtemps qu’une réserve professionnelle n’a pas été première de son groupe au bout de quasiment 20 journées de championnat. S’ils en sont là aujourd’hui c’est parce qu’ils réalisent de bonnes performances. Je suis extrêmement satisfait de ce qu’ils produisent aujourd’hui. Il a fallu gérer leur frustration parce qu’ils avaient fait la préparation avec les pros et quand ils sont redescendus avec les jeunes ça été un peu plus dur. Ils ont compris que pour leur progression et leur bien à eux ils avaient encore besoin de travailler. Je n’ai que des échos positifs à remonter au sujet de leur investissement.
Depuis l’arrivée de Christian et l’intégration des jeunes dans l’effectif professionnel, on vous voit assister aux séances, échanger avec les joueurs. Vous êtes devenu une vraie passerelle entre la formation et le groupe pro !
On échange quotidiennement avec Christian. J’ai cet avantage de connaître sa façon de travailler de par mon passage au FC Lorient. Cela m’a permis de gagner du temps et d’être le plus précis possible à l’entraînement pour répondre à ses exigences. Sans prendre le rôle du staff, je garde toujours un regard objectif sur l’évolution des jeunes. Quand l’opportunité se présente, j’assiste aux matchs depuis les tribunes. C’est plus facile pour analyser les choses et avoir un regard plus lucide sur la performance, parce qu’il y a une chose qui n’entre pas en compte c’est la gestion des émotions. De la tribune, mon regard est plus objectif.
Ils viennent souvent à votre rencontre ? Qu’attendent-ils de vous ?
Ils sont très demandeurs. Je ne vais jamais les voir s’ils ne me demandent pas, ce n’est pas mon rôle d’aller à leur rencontre. Sur le match à domicile, ça m’arrive d’aller au vestiaire prendre la température et si les jeunes me sollicitent pour connaître mon ressenti, on refait le match.
La connaissance de l’homme c’est la clé d’un bon management ?
Quand les joueurs reviennent vers vous c’est qu’on leur a certainement apporté des choses. On n’a plus cette relation direct d’entraîneur-entrainé. Être proche ne veut pas dire être copain avec eux. Je ne suis pas copain du tout avec les joueurs. La proximité permet de développer davantage le lien de confiance et de les mettre dans les meilleures conditions pour qu’ils puissent s’exprimer le plus sereinement possible. Ce qui n’empêche que lorsqu’il faut les secouer, leur rentrer dedans je suis le premier et Joris peut en témoigner. C’est certainement le joueur avec lequel j’ai été le plus dur ici.