
Philippe Lucas, au tout début de la compétition, étiez-vous confiant sur les chances de réussite de vos joueurs et la qualification pour la finale ?
Confiant, oui. Nous avons toujours l'objectif d'aller le plus loin possible, quelle que soit la compétition. Nous savons aussi qu'un parcours en Coupe est toujours très aléatoire. Il est toujours difficile de se fixer de grands objectifs même si nous savions que nous avions la capacité de faire des choses intéressantes. Aussi bien collectivement qu'individuellement, nous avions cette année, la qualité pour faire un joli parcours. Cependant, malgré tout cela, il suffit de manquer son premier match de la compétition pour qu'elle s'arrête automatiquement. Cette saison, nous avons un potentiel que nous avons rarement eu. De plus et pour la première fois depuis longtemps, nous avons pu utiliser ce potentiel. Cela n'a pas toujours été le cas car en fonction des saisons nous n'avons pas toujours eu la possibilité d'aligner la meilleure équipe qui soit mais cette année, ce fut possible.
Comment qualifiez-vous l'ensemble de votre parcours jusqu'ici ?
C'est une aventure qui a commencé bien avant le premier tour face à Toulouse. Je pense qu'elle a débuté la saison dernière lorsque nous avons été éliminés à Nîmes au premier tour (3-2). Beaucoup de joueurs présents dans le groupe cette saison y étaient déjà la saison dernière. Après l'élimination face à Nîmes, les joueurs s'étaient promis de revenir la saison suivante mais cette fois pour la gagner. C'est marrant mais ils avaient eu une réaction extrêmement positive après cette élimination et pourtant, il y avait beaucoup de déception sur ce premier tour dans le Gard car nous ne méritions pas de perdre ce jour-là. Les joueurs s'étaient dit qu'ils reviendraient plus forts cette année. Pour eux, cette Coupe Gambardella est un objectif. Ensuite, c'est une très belle aventure humaine car je peux compter sur de « bons gamins ». J'ai un bon groupe et surtout, ce sont des joueurs de qualité. Tout ce qu'ils ont fait, tout ce qui a été obtenu est mérité. Nous n'avons rien volé, loin de là même si, par trois fois, il a fallu aller aux tirs au but pour se qualifier. Cependant, sur ces matches, je crois qu'une équipe méritait de l'emporter, les Girondins de Bordeaux. Quelque part, nous méritons notre finale.
Pouvez-vous nous décrire le groupe de joueurs que vous avez en charge ?
J'ai un groupe de joueurs talentueux. Au-delà du talent pur, ce sont des « bons mecs ». C'est une équipe très facile à gérer. Je ne dirais pas qu'ils sont autonomes mais le rôle des éducateurs est vraiment minimal par rapport à d'habitude. Normalement, il faut constamment pousser les joueurs, les bouger. Cette fois, il y a une prise en charge, comme une forme de maturité qui se dégage de ce groupe. Pourtant, ce n'était pas évident. Certains jouent toute la saison avec les 18 ans, d'autres avec la CFA. Certains font même partie du groupe professionnel. Pourtant, dès qu'il se regroupe, il retrouve très vite leur unité. Cela a vraiment un côté sympathique et personnellement, je prends beaucoup de plaisir à m'occuper de ce groupe.
Comment gérer la pression du Stade de France auprès de vos joueurs ?
C'est un peu l'inconnu. Quand vous arrivez dans un tel stade, il y a différentes réactions possibles. Soit vous restez vous-mêmes, soit vous êtes inhibés et cela peut être dangereux ou vous tombez dans l'excitation. Je pense connaître assez bien mes joueurs pour savoir dans quelle catégorie chacun peut se trouver. A moi de parler et de discuter à bon escient pour dédramatiser l'événement. Il y a un match à jouer et à gagner ! Il faudra essayer d'occulter le contexte. C'est une finale, il y a donc un enjeu fort, c'est sûr mais c'est avant tout beaucoup de plaisir et beaucoup de bonheur. Il y a peu de temps, j'ai lu une interview de Mourinho dans France Football. Il disait qu'il ne fallait surtout pas avoir peur à l'approche d'une finale. Il faut être courageux et heureux. Pour mes jeunes, le football n'est pas encore un métier mais il pourrait l'être très bientôt et on veut tous faire cette profession pour ce genre de match. Mourinho, lui, parlait de finale de Ligue des Champions. Pour mon groupe, il s'agira d'un équivalent, à leur niveau. Ce n'est que du bonheur et du plaisir, il n'y a aucune raison de se contracter. Nous allons préparer cette finale en restant nous-mêmes, en continuant à rigoler entre nous comme nous l'avons toujours fait cette saison. Nos entraînements seront faits à l'identique. Nous n'allons pas faire quelque chose d'exceptionnel. Cette semaine, les jeunes en seront peut-être à leur 250ème entraînement de la saison, nous n'allons rien inventer maintenant ou tout changer. Nous devons les préparer dans une grande sérénité.
Une finale n'est belle que si elle est gagnée... Serait-ce un échec en cas de défaite ou une fierté d'avoir été au Stade de France ?
Nous sommes des compétiteurs et nous voulons aller au bout. Notre parcours est quasiment parfait mais j'insiste sur le « quasiment ». On ne pourra parler de parcours parfait qu'à la condition où nous ramenons la Coupe à Bordeaux. Une défaite serait une très grosse déception, ce sera la même chose pour notre adversaire. Perdre une finale est toujours dur, c'est une grande frustration. Elle l'aurait été tout autant si nous avions échoué en demi-finale. L'objectif n'est pas d'aller au Stade de France mais bien de gagner la Coupe Gambardella. Il ne faut pas se tromper d'objectif et se dire que c'est fait. C'est un peu comme la qualification en Ligue des Champions. Vous êtes très contents, c'est très bien mais derrière, la Ligue des Champions, il faut la jouer, aller le plus loin possible. C'est une mentalité qu'ils doivent acquérir mais je ne me fais pas trop de soucis. J'ai l'impression que le groupe aborde le match par le bon bout.
Avez-vous attentif au parcours rennais en Gambardella ? Qu'en pensez-vous ?
Oui. Les seuls résultats que je regardais toujours en Gambardella étaient ceux des équipes de notre groupe. Entre éducateurs, nous nous connaissons depuis plusieurs années. Il y a de la sympathie entre nous. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a de la complicité mais au fil des matches, nous avons noué des liens. Je connais donc bien le parcours de Rennes qui n'a pas toujours été simple d'ailleurs. Ils se sont qualifiés aux tirs au but contre Angers lors du deuxième tour. Ce n'est plus simple pour personne désormais. Ils ont gagné un match facilement contre le FC Santes en 8ème de finale (0-9) mais le niveau de l'adversaire était faible par rapport à Rennes. Nous savons que l'équipe rennaise à un gros potentiel. Ce club possède en outre un centre de formation très performant. On ne s'attend pas à une partie de plaisir.
Pensez-vous avoir un avantage psychologique en ayant battu le SRFC par deux fois en championnat ?
Non, je ne le pense pas. La compétition est complètement différente et les compositions des deux équipes seront complètement différentes également. Le contexte du match sera particulier. Il s'agira d'une finale au Stade de France... C'est difficile de faire un pronostic et il ne faut surtout pas essayer de s'étalonner par rapport au passé récent en championnat. Je ne me fais aucune illusion à ce sujet et j'espère que mes joueurs ne s'en font pas. Si le Stade Rennais devait battre une seule fois les Girondins de Bordeaux, il préférerait que ce soit en Finale de la Gambardella plutôt que sur un match de championnat. De notre côté, il y a un match que nous ne voulons absolument pas perdre face au Stade Rennais F.C., c'est sur cette finale de Gambardella.
Connaissez-vous les forces et les faiblesses de cette équipe rennaise ?
Je ne sais pas. Nous n'avons certainement pas joué leur équipe type en championnat. Je les ai vus jouer pendant 20 minutes lors de la demi-finale face à Strasbourg mais Rennes menait déjà 2-0 et le match était terminé dans les têtes. Du coup, mes observations ne veulent pas forcément dire grand chose. Je crois savoir que Rennes dispose d'une défense très solide. Ils prennent très peu de buts. D'ailleurs, ils n'en ont pris aucun durant la compétition. Rennes n'est pas en finale par hasard. Les joueurs rennais ont une grosse solidité et quelques individualités plus qu'intéressantes avec un défenseur central sélectionné régulièrement en équipe de France et le frère de Le Tallec, que tout le monde connaît. C'est une belle équipe.
Connaissez-vous votre homologue rennais, Laurent Huard ?
Je connais Laurent par son passé de joueur. Nous avons joué au même poste (milieu défensif, NDLR) et les gens disaient d'ailleurs que nous nous ressemblions au début de sa carrière. Nous avions des similitudes au niveau de la taille, du gabarit et du jeu. J'avais suivi sa carrière de joueur. Je ne le connais pas assez pour dire qu'il a le même profil que moi mais je pense que nous partageons une vision commune du métier, des idées similaires. Quelque part, il y avait de la ressemblance en tant que joueur et c'est peut-être le cas en tant qu'éducateur. J'ai beaucoup de sympathie pour ce garçon qui est calme, lucide et passionné par ce qu'il fait.Remerciements à www.girondins.com