Le plus, le moins, confrontation entre deux experts du SRFC

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D’habitude, ce sont eux qui posent les questions. Dans le cadre des 120 ans du club, nous avons mis à l’épreuve les spécialistes du Stade Rennais F.C. de TV Rennes, Vincent Simonneaux le passionné et Christophe Penven le tempéré, pour une interviewdécalée mais pleine de sincérité, regorgeant d’une multitude d’anecdotes.



Pour les trois ou quatre supporters rennais qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous vous présenter ?
Christophe Penven, journaliste à TVR depuis 2000. Je suis le Stade Rennais F.C. depuis 2002. Bientôt 20 ans de suivi au quotidien de l’actualité du Stade Rennais F.C.

Vincent Simonneaux, je vais au stade depuis 1967 en tant que supporter du Stade Rennais F.C. Je le suis professionnellement depuis 1987, à la radio et à la télé, c’est mon club.

C.P. : Pour préciser, la première fois que je suis allé au stade de la route de Lorient, j’étais étudiant, dans le kop de l’En Avant Guingamp.

Donc supporter de Guingamp Christophe ? Ça commence mal !
V.S. : Bah oui !

C.P. : J’ai fait mes années lycée à Guingamp. Il y avait eu 3-0 pour Rennes, trois buts de Marco Grassi.

V.S. : Monsieur Marco Grassi !

C’est donc à ce moment que tu as été gravé au fer rouge Christophe…
C.P. : C’est ça ! C’est là que j’ai retourné ma veste (rires).

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Commençons notre confrontation. De vous deux, qui est le plus nostalgique ?
V.S. : Moi car j’ai l’antériorité. J’ai connu les premières coupes, du moins celle de 1971. D’essence, j’aime bien la nostalgie comme sentiment. Ce n’est pas que c’était mieux avant. Pour une institution comme le Stade Rennais, c’est être reconnaissant de son évolution et de ne pas être dans l’immédiateté. La nostalgie permet de mettre les choses en balance.

Et ça permet d’entretenir la mémoire.
V.S. : Oui même si je commence à tout confondre (rires). Avant, c’était différent avec une autre ambiance.

C.P. : Je suis Finistérien, de Morlaix. Enfant, j’étais d’abord supporter du Stade Brestois. Après, en faisant mes études au lycée, j’ai fréquenté les joueurs de l’EAG et j’ai eu ma petite phase de supporter de Guingamp. Mais depuis que je suis à Rennes, sans être supporter car je suis journaliste, je suis évidemment attaché à ce club. Mais je n’ai pas d’attache de longue date comme Vincent. Je ne suis pas plus supporter d’un club que d’un autre. Je suis assez neutre.

 

« il a tendance à dire que Rennes va marcher sur la Ligue 1 »

 

Qui est le plus optimiste avant les échéances sportives du Stade Rennais F.C. ?
V.S. : Christophe l’est un peu plus. Sur les débuts de saison, il a tendance à dire que Rennes va marcher sur la Ligue 1.

C.P. : C’est vrai ! Je vois toujours le Stade Rennais F.C. plus haut qu’on ne l’imagine. Je ne le cache pas, il y a des périodes où le club peut jouer le titre en début de saison. Mais j’ai toujours été optimiste sur le parcours du club en le voyant très souvent européen, ce qui se révèle être vrai ces dernières années.

V.S. : On a un code entre nous. Il dit depuis des années : "Dauphins à la trêve". On ne l’est pas souvent. Étant un peu superstitieux, je préfère être négatif et content après.
 
C.P. : Pourquoi j’avais dit "Dauphins à la trêve" ? Parce qu’il y a eu des années où les mois de décembre étaient très bons derrière l’intouchable PSG.

Christophe, en 2019, où voyais-tu le Stade Rennais F.C. ?
En quart de finale de l’Europa League !

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Le moins objectif ?
V.S. : Moi sans doute car Christophe se défend d’être supporter, moi pas. Même si j’essaie quelques fois de prendre de la distance, mais je suis à fond Rennais !

C.P. : Vincent est plus radical dans ses commentaires. Il n’est pas très objectif sur les arbitres.

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Le plus investigateur ?
V.S. : C’est plutôt Christophe même si on n’est pas des fouille-******. Je suis plus commentateur et observateur. Christophe est un homme de terrain. L’investigation dans le foot n’est plus ce que c’était par rapport à il y a quelques années.

C.P. : TVR est une chaîne partenaire du Stade Rennais F.C. On n’est pas les poils à gratter du milieu mais je suis plus investigateur dans le sens où je suis à plus de 2.000 reportages sur le club. Forcément, j’en ai fait des interviews.

 

« J’étais très ému de voir ça, ça sortait du cadre professionnel. »

 

Le match le plus enthousiasmant ?
V.S. : Un 4 à 3, Rennes/Le Havre à l’automne 1979. Le Havre mène 3-0 à Rennes après une demi-heure de jeu et le Stade Rennais l’emporte 4-3 avec un but dans les toutes dernières secondes. Il n’y avait pas grand monde dans les tribunes. J’avais 17 ans, ça m’avait paru extraordinaire !

C.P. : C’est peut-être la plus grosse déception du Stade Rennais mais c’est la finale en 2009 au Stade de France. Je trouvais ça génial que deux clubs bretons se retrouvent. Le stade était entièrement breton…

V.S., l’interrompant : Et tu n’étais pas triste que Guingamp gagne...

C.P. : Si forcément car je faisais partie du club à l’époque (ndlr : Christophe était intégré au SRFC entre 2007 et 2014 via un partenariat avec TVR) et ça a été une vraie claque derrière la tête. Mais c’était enthousiasmant de monter à Paris, de faire le voyage en train avec les supporters, d’en voir partout, à Montparnasse, dans Paris, au stade. J’étais très ému de voir ça, ça sortait du cadre professionnel.

V.S. : C’était une ambiance incroyable ! Les collègues parisiens qui font toutes les finales disent qu’ils n’avaient jamais vu ça.

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Le moins emballant ?
V.S. : Le Bordeaux/Rennes de 2010-2011 sur Canal+, le dimanche soir. 0-0, aucune occasion de but et une tristesse effroyable. Ça a longtemps été la plus mauvaise note de Canal avec un 7,8. C’est le pire je pense.

C.P. : Je dirais la même chose. Je me souviens de la réaction de Frédéric Antonetti après le match qui s’était fort ennuyé.

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Le but qui vous a procuré le plus de frissons ?
V.S. : Celui contre Nantes la saison dernière. Il y a l’adversaire, le scénario, la dramaturgie de la VAR, l’attente et la libération. Ce but est incroyable. Ce n’est pas le plus beau but car la VAR gâche un peu le plaisir mais le fait d’attendre, de voir Julien Stéphan regarder les tribunes, c’était terrible.

C.P. : Celui d’Ismaïla Sarr contre Arsenal. Une ambiance de dingue ! En vingt ans de carrière, je n’ai jamais vu le Roazhon Park comme ça.

V.S. : J’aurais pu citer celui de M'Baye Niang à Séville. C’était l’explosion de joie sur le canapé avec les enfants. On était complètement fous !

 

« Quand le Stade Rennais F.C. sera champion de France, on sera premiers aux pronostics. »

 

Le joueur qui vous a procuré le plus de frissons ?
V.S. : Laurent Pokou, il était extraordinaire, et Ousmane Dembélé sur les années récentes. On ne l’a eu que six mois mais on a énormément profité de son talent. Je ne regarde pas le foot étranger, ça ne m’intéresse pas. Je préfère regarder de la D2 ou D3 française. Les seuls matchs étrangers que je regarde, c’est Barcelone quand il joue.

C.P. : Mickaël Pagis, c’est la classe, le sang-froid, la technique pure, un joueur à l’ancienne avec la technique que tout enfant rêve d’avoir quand il est petit. Quand tu vois ce joueur sur un terrain, tu écarquilles les yeux. Il m’a bluffé plein de fois, et il est d’une simplicité.

V.S. : Quand on parle de beau joueur, il y a Julien Féret aussi.

C.P. : Tu aimais bien Jonathan Pitroipa aussi.

V.S. : Oui j’aimais bien.

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Votre plus gros regret de joueur qui a failli signer, annoncé par les médias, mais qui n'a pas signé ?
V.S. :
Peter Schmeichel. Ça avait un peu alimenté les rubriques transferts. On avait murmuré qu’il pouvait être intéressé par un défi rennais. C’était un gardien incroyable. Ça n’a pas duré longtemps donc la déception n’a pas été énorme.

C.P. : Diego Godín, Florian Maurice avait confirmé qu’ils étaient dessus. Ce joueur aurait pu faire passer un cap au Stade Rennais, dans la notoriété notamment. Il a été l’un des meilleurs défenseurs du monde.

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Le meilleur pronostiqueur ?
V.S. : C’est Christophe puisqu’il est devant moi au classement de Pleine Lucarne mais on n’est quand même pas très bons, ni l’un ni l’autre.

C.P. : Moyennement oui. On n’est pas très objectifs donc on met un peu trop souvent Rennes. Quand le Stade Rennais F.C. sera champion de France, on sera premiers aux pronostics.

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La plus belle joie partagée ?
V.S. : La finale de la Coupe de France.

C.P. : C’est là qu’on voit la différence entre moi et Vincent, supporter depuis la plus tendre enfance. Ça explosait intérieurement mais j’avais encore la lucidité de filmer ce qui se passait et notamment la joie de Vincent, qui craque complètement. Ce sont des souvenirs de dingue. Le suspense, la frappe au-dessus, la joie avec les supporters… on a eu le sourire tout le week-end.

V.S. : Le samedi matin pas trop. On ne sentait quand même pas trop le truc face au PSG. À 2-0, on le sentait encore moins.

C.P. : Mais il y avait moins de pression que lors des précédentes finales, j’étais libéré. J’ai pris ça avec beaucoup de plaisir.

V.S. : J’ai mis un temps fou à m’endormir.

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Votre plus beau déplacement ?
V.S. : Rome c’était bien. Je ne connaissais pas. C’est magnifique !

C.P. : Pas trop pour le match.

V.S. : On avait du temps. On a eu quelques jours pour traîner. On avait été surclassés à l’hôtel, donc c’était bien. Comparé à la finale de la coupe où on avait les chiottes au milieu de la chambre. Là, à Rome, c’était bien ! (rires)

C.P. : Oui car c’est moi qui gère la logistique des déplacements. Il peut y avoir des mauvaises surprises comme le week-end de la finale 2019. Sportivement, c’est le déplacement à Séville pour le 3-1 et la qualification, marquant aussi pour le nombre de supporters à Séville et la joie que ça a engendrée. La ville est magnifique également.

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Et le moins beau ?
C.P. : À Gueugnon, pour le contexte.

V.S. : Pareil moi dis donc.

C.P. : Pour un Bastia/Rennes car le terrain de Furiani était suspendu. Ils avaient joué à Gueugnon. Il neigeait. J’étais avec mon confrère de France Bleu, Cédric Guillou. On se demandait ce que l’on faisait là.

V.S. : J’y étais allé pour un Gueugnon/Rennes en D2. J’étais parti tout seul avec le Renault Espace de France Bleu Armorique. C’est désservi par des toutes petites routes. C’était horrible. C’est marrant qu’on dise Gueugnon pour des raisons différentes, avec 20 ans d’écart. J’ai aussi un déplacement à Libourne-Saint-Seurin qui ne s’était pas très bien passé. J’avais de la fièvre. Je n’aurais jamais dû y aller. Je m’étais pris un coup de poing pendant le match car la tribune était au milieu des supporters. Il y avait eu un but de Rennes et je m’étais levé. Un mec s’est retourné pour me mettre un pain.

C.P. : Et encore, pour moi à Gueugnon, c’était un déplacement avec le club. Je n’ai pas trop à me plaindre mais c’était particulier.

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Votre tifo préféré ?
V.S. : La Casa de Roazhon avec la mise en scène. Il y avait tout. La preuve que ça a fait le buzz, il apparaissait la saison suivante dans la série. C’était très malin de se saisir d’un phénomène émergent. Super !

C.P. : Star Roaz avec Dark Vador car je crois que c’est le premier d'une série où ils évoquent un film ou une série. Il y avait là aussi la mise en scène, la musique de Star Wars, Erminig et son sabre laser. Je me suis dit que le RCK avait passé un cap. C’était le début d’une grande série de tifos.

 

« J’ai l’impression d’être un enfant à côté de lui. »

 

Votre meilleure interview ?
C.P. : La télé m’a permis d’en faire une longue, celle de Romain Danzé quand il raccroche les crampons. Parce que j’ai eu le temps de le faire et j’aime bien le mec. On a pu faire un long reportage.

V.S. : J’ai bien aimé toutes les interviews avec Julien Stéphan. C’est le très bon client.

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La personnalité du SRFC qui en impose le plus ?
V.S. : François Pinault. Il a des yeux bleus perçants. Je suis content de le voir, il est très agréable, mais je suis moyennement à l’aise. J’ai l’impression d’être un enfant à côté de lui.

C.P. : Jean Prouff, deux ou trois ans avant sa disparation. J’étais allé chez lui à Ploumanac'h. C’était un vieux monsieur mais il avait une classe et un recul sur le métier d’entraîneur. Je suis allé rencontrer quelqu’un qui a marqué l’histoire du club. Il y a tout de suite du respect dans l’approche. Un sacré bonhomme.

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Parmi vos confrères, la plus belle plume que vous ayez croisée qui écrivait sur le SRFC ?
V.S. : Roger Glémée de Ouest-France, avec Pierre Romer. Ce sont eux qui écrivaient sur le Stade Rennais F.C. pendant les années 70-80. J’aimais bien les lire. On va être d’accord sinon avec Christophe, c’est Jean-Denis Coquard, rédacteur en chef à L’Équipe.

C.P. : Il avait une super plume oui !

V.S. : Il était jeune quand il suivait le Stade Rennais F.C. mais il était déjà très bon.

C.P. : Je me souviens de son papier quand Usain Bolt bat le record du monde à Pékin, tellement bien écrit.

V.S. : Et c’est un mec très sympathique et intéressant, on était à son mariage avec Yoann Riou (rires) !


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Quel est votre objet le plus insolite ?
V.S. :
Le maillot que mes parents m’avaient acheté pour la finale de 1971 dans un magasin qui s’appelait Spécial Camping, car à l’époque il n’y avait pas de produits dérivés, pas de boutique Stade Rennais. Il était inscrit "Allez Rennes !" sur le maillot.

C.P. : J’ai souvent demandé des maillots mais toujours pour des œuvres caritatives. Un joueur, une fois, m’a donné le sien à la fin de la saison, sans que je ne demande rien. C'était Sanjin Prcić, j’avais de bonnes relations avec lui.

V.S. : Ah oui ça c’est sympa ! Le seul maillot que j’ai gardé, c’est celui de Petr Čech, offert par le club pour mes 40 ans. Il savait et il me l’avait remis en fin de match. Un geste très sympa.

 

« Qu’est-ce que j’avais pas dit là. »

 

La situation qui a suscité le plus de débat entre vous deux ?
V.S. :
Toutes les décisions d’arbitres déjà (rires). Il est plus coulant que moi. Je trouve qu’ils ne sont pas bons. Je regrette Sébastien Desiage qui était un excellent arbitre. Si ! on a Madame Stéphanie Frappart, Monsieur Ruddy Buquet mais sinon il y en a un paquet…

C.P. : On avait eu un débat, il ne croyait pas en Ousmane Dembélé au début.

V.S. : Oui…

C.P. : Je lui disais : "Mais tu ne te rends pas compte du phénomène qui arrive là." C’était à l’époque où il n’était pas encore dans le groupe pro.

V.S. : Je l’avais vu deux fois avec la réserve, il ne m’avait pas impressionné. Qu’est-ce que j’avais pas dit là !

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La note d’après-match la moins objective de l’autre ?
V.S. : Un joueur que j’ai un peu tendance à sous-noter cette saison et que Christophe sur-note mais il ne veut pas le reconnaître. Sinon, on est souvent d’accord.

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Vincent, le meilleur reportage de Christophe ?
À Osasuna quand il est parti en bus avec les supporters du club "Les Socios". Entre les mecs qui chantent au fond du bus et ceux qui boivent au cubi sur le bord de la route... C’était le début de l’Europe on va dire. J’avais bien aimé.

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Christophe, la chemise la plus iconique de Vincent ?
Celle qui fait le plus de débat et qui suscite le plus de commentaires sur les réseaux sociaux, c’est la bleue à pois jaunes.

V.S. : Dite la chemise Pasquier, les couleurs de la brioche. Celle que ma femme me dit que j’ai l’air d’un clown quand je pars au bureau avec. J’aime les pois et les "paisley".

Ça ne crée pas d’ailleurs des problèmes de réglages pour la télévision ?
Non, ce qui pose problème, ce sont les rayures ou les chevrons.

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Pour finir, la situation en Rouge et Noir la plus lunaire ou insolite qui vous ayez vécue ?
V.S. : Le retour de la finale 2009 lorsque l’on se faisait doubler par les bagnoles du 22. J’étais immatriculé 35 évidemment. Les gens, par dizaines, agitaient leur petite Coupe de France en carton par les fenêtres. J’avais deux enfants en larmes à l’arrière. C’était l’horreur, terrible ! J’étais en civil, avec la voiture TVR ça aurait été pire.

C.P. : Le discours de François-Henri Pinault avant la finale contre Saint-Étienne en Coupe de la Ligue. J’étais dans le vestiaire à filmer les coulisses de la préparation. Le Stade Rennais F.C. n’avait pas gagné mais il avait visé juste avec ses mots. Il était là pour défendre l’institution SRFC. Ça m’a marqué.



#AuFerRouge