
Pierrick, le hasard a voulu que tu prennes ta retraite après un Rennes-Bastia, les seuls clubs que tu as connus dans ta carrière…
Je crois au destin. On peut dire que la boucle est bouclée.
Tu fais partie des murs ici au Stade Rennais F.C. !
J’ai eu la chance, pendant toute ma carrière, de ne connaître que le football de haut niveau. J’ai commencé tôt au Stade Rennais F.C., à 17 ans et demi. Et j’ai aussi eu la chance de faire ma reconversion au sein de ce même club, dans ma ville. 37 ans en tant que salarié du Stade Rennais F.C., c’est un bon bail. En ajoutant mes années amateurs, cela fait 44 ans. Je suis fier de mon parcours dans un bon club comme le Stade Rennais F.C. C’est beau !
Un parcours où tu as vécu trois métiers différents…
J’ai fait 19 ans au plus haut niveau en tant que joueur. J’ai enchaîné en tant qu’entraîneur des gardiens avec Paul Le Guen, Christian Gourcuff et Vahid Halilhodžić, ça a duré une dizaine d’années. Puis je me suis occupé du recrutement professionnel pendant 13 ans. C’est Pierre Dréossi qui m’a fait confiance à ce poste. Au départ, j’étais tout seul. Ma première recrue a été Sébastien Puygrenier.
Cette dernière aventure m’a permis de voir beaucoup de matchs et de pays, d’autres cultures. Il a fallu parcourir le monde. C’était agréable. J’ai connu l’Amérique du Sud, le Japon, l’Afrique et tant de régions. J’ai été comblé pendant ma vie.
Tu as dû te mettre à l’Anglais, à l’Espagnol… ?
Même pas (rires). J’ai arrêté l’école tôt pour devenir professionnel. L’anglais, c’était déjà très très loin. Après, j’ai eu quelques cours mais à plus de 50 ans, c’est difficile de se remettre dedans. Mais partout dans le monde entier, je me suis débrouillé.
Quels sont tes plus beaux souvenirs ?
J’ai connu plein de belles choses. J’ai joué la finale de la Coupe d’Europe avec Bastia en 1978. J’ai pu côtoyer des grands joueurs en Équipe de France. Ma génération, c’était Michel Platini, Didier Six, Maxime Bossis et j’en passe. Comme entraîneur, il y a eu plus de déceptions. Je suis passé près d’une finale de Coupe de France avec Rennes en 2003.
Et en tant que recruteur, il y a eu les recrutements de Kim Källström, Romain Alessandrini ou encore Paul-Georges Ntep. Mais c’était un travail d’équipe. Quand on voit que ces joueurs là réussissent, c’est sympa.
Tu as dû observer un nombre incroyable de joueurs…
J’ai fait le calcul. J’ai du voir plus de 1.300 matchs, en déplacement. Sans compter les plus de 500 matchs en première division. Pour les grands joueurs, la fonction est facile. Il n’y a pas besoin d’être scout ou recruteur pour les repérer. On sait d’entrée que ce n’est pas pour nous. On ne peut pas rivaliser avec les plus grands clubs européens. Là où le métier est intéressant, c’est de chercher le joueur qui a du talent et qui peut être un bon profil pour le Stade Rennais F.C. L’intérêt était de trouver des perles mais pas le top talent que seuls Manchester, Barcelone ou le Real peuvent avoir. C’est ce que j’ai aimé dans ce travail.
Parmi toutes celles que tu as vécues, peux-tu nous raconter une anecdote ?
Je pourrais en faire trois livres. Une fois, je partais en Serbie pour voir un match à 20h. Je suis parti de Roissy en début d’après-midi. Arrivés au dessus de Belgrade, il y avait une nappe de brouillard très basse de douze kilomètres. Impossible d’atterrir ! Il a fallu dérouter vers Zabreg. En bus, il aurait fallu six heures pour rejoindre Belgrade. Le match était loupé pour moi. Tous les passagers sont descendus sauf moi. L’avion est rentré à vide à Paris car cette escale n’était pas prévue. J’étais alors seul dans un Boeing pour le retour. Sympa, le pilote m’a mis à côté de lui pour atterrir à Roissy. J’ai été copilote (rires) !
Quand y-a-t-il eu le plus de pression ?
Gardien de but, c’était beaucoup de responsabilités. J’avais un tempérament de gagneur, je n’aimais pas prendre de but et perdre. C’était stressant. Et quand j’ai connu le terrain en tant qu’entraîneur, là aussi il y avait la pression des objectifs. Le recrutement pro, c’est autre chose. Il ne faut pas se tromper sur les joueurs que l’on trouve. Il faut faire les bons choix.
Après une telle longévité, ce ne sera pas difficile de raccrocher ?
Il y a un temps pour tout. Je profiterais de ma famille et de mes petits enfants car j’ai eu une carrière très prenante. De 17 ans à 61 ans, je n’ai pratiquement jamais eu de week-ends. C’est le revers de la médaille mais c’est le boulot qui voulait ça. Je continuerais à venir voir le Stade Rennais F.C.
Une retraite que tu vas passer entre la Bretagne et la Corse ?
Oui, car j’ai aussi gardé des amis en Corse après mon passage là-bas. Je ferai la navette entre les deux régions. Mais c’est à Rennes que je resterai vivre, c’est ma ville !
Comment perçois-tu le Stade Rennais F.C. ?
J’ai assisté à l’évolution du club. Quand j’ai commencé à jouer, les tribunes étaient en bois. Quand je vois aujourd’hui le Roazhon Park et le centre d’entraînement, le club a fait du très bon travail. Mais je suis déçu car j’aurais voulu connaître un titre, une coupe. Le club est plus que stable, il est bien installer dans ce championnat. Il faut maintenant réussir à franchir ce dernier palier pour accéder à ces places européennes. On est sur la bonne voie. J’espère que ça viendra. On peut s’installer encore plus haut, il n’y a pas de raison.
Et sur l’évolution du football ?
Quand j’ai commencé, je n’avais qu’un entraîneur et un Président. Quand on voit la structure des clubs et l’organisation des staffs sportifs avec les préparateurs physiques, les adjoints… les performances ont changé. Tout est calculé. Les joueurs sont maintenant au top. Tactiquement aussi, le foot n’est plus le même.
Si tu devais citer les meilleurs joueurs Rouge et Noir pendant ton passage au Stade Rennais F.C. ?
Il y en a beaucoup, c’est difficile de les citer. J’ai joué avec des grands joueurs et notamment avec Laurent Pokou avec qui j’ai débuté. À l’époque, il était l’un des cinq meilleurs joueurs du monde. On a eu la chance de connaître plus récemment Kim Källström, Paul-Georges Ntep, Ousmane Dembélé, et tant d’autres.
SON PARCOURS :
Carrière de joueur :
1973-1978 : Stade Rennais F.C.
1978-1983 : SC Bastia
1983-1991 : Stade Rennais F.C.
1 sélection en Équipe de France
Carrière d’entraîneur des gardiens :
1991-2003 : Stade Rennais F.C.
Carrière de recruteur :
2003-2016 : Stade Rennais F.C.