Avec son livre « Il est libre Max », Yvon Lechevestrier raconte 40 ans de radios locales à Rennes. Un média incontournable dans le paysage footballistique qui accompagne aussi les aventures du Stade Rennais F.C. Rencontre.
Yvon, comment est né ce livre ?
Je suis retraité Ouest-France depuis dix ans et j’ai été bénévole pour une émission de radio ces deux dernières années, à Radio Rennes. J’entendais mes camarades parler des 40 ans des radios libres. C’est un livre que j’aurais pu écrire dans une autre ville mais je me suis intéressé à Rennes car j’ai été jeune journaliste dans la capitale bretonne, à la locale de Ouest-France, et j’ai suivi ce lancement des radios libres. Il y a quarante ans, la création des radios libres a été un grand bouleversement dans l’audiovisuel. J’ai appelé des gens dont j’avais gardé le contact, des personnes que je n’avais pas vues depuis vingt, trente ou même quarante ans. Tout le monde a éprouvé beaucoup de plaisir à se confier. Le plaisir qu’ils ont eu à me raconter leur vie à la radio, je l’ai eu à l’écrire.
« C’était à celle qui avait le plus d’informations sur le Stade. »
Qu’entend-on par radios libres ?
Il a y a quarante ans, on parlait de radios pirates, de radios libres*. C’étaient des radios créées par des jeunes qui n’avaient pas d’argent. Ils se lançaient avec trois francs six sous. Maintenant, la plupart sont devenues commerciales mais il en reste quelques-unes à Rennes, comme Canal B, qui restent des radios associatives. Ce qui est intéressant, pour parler du Stade Rennais, c’est que ces radios locales, après la diffusion de musique et de jeunes chanteurs que l’on n’entendait pas sur les radios nationales, parlaient beaucoup de sport. Le Stade Rennais ne jouait pas les premiers rôles mais il y avait de l’émulation entre les radios. C’était à celle qui avait le plus d’informations sur le Stade. À l’époque, pour les matchs, ils se déplaçaient par leurs propres moyens ou avec les joueurs directement. C’était une belle époque pour les jeunes qu’ils étaient, de fréquenter soit des jeunes chanteurs comme Étienne Daho ou des sportifs comme les frères Delamontagne ou Pierrick Hiard.
C’est tout simplement une histoire de passionnés…
Oui, c’est ça qui m’a plu. Maintenant, ils font tout à fait autre chose mais je vois que ces gens qui étaient à la tête des radios sont restés aujourd’hui des passionnés dans leur domaine respectif. Ils ont toujours un attachement, même ceux qui ne sont plus à Rennes. Je pense à Bertrand Thomas qui suivait le Stade Rennais. Il est aujourd’hui dans une entreprise de vidéo à Paris mais il est resté fan du club.
« C’est elle qui m’a permis d’avoir ce lien ce soir-là avec le club. »
Quelles étaient les radios qui suivaient les Rouge et Noir ?
« Fréquence Ille » avec des personnes qui sont aujourd’hui encore connues, comme Vincent Simonneaux et Pierre Lecomte, « Radio Caroline » et « RBS ». Ces trois-là couvraient régulièrement les matchs. Ils étaient des commentateurs supporters. Il n’y avait pas de multiplex télé en Ligue 2 à une certaine époque. La radio était le seul moyen pour suivre en direct les matchs du Stade Rennais. C’était une révolution dans le domaine du compte-rendu sportif, avant il fallait attendre le lendemain et les articles Ouest-France de la locale. Que l’on soit ou pas supporter, le Stade Rennais fait partie intégrante de la ville. On vit au rythme des défaites et des succès. Le soir de la victoire en Coupe de France 2019, j’étais malheureusement hospitalisé. Je n’avais pas la télévision, j’ai alors suivi ça à la radio. C’était fabuleux ! C’est elle qui m’a permis d’avoir ce lien ce soir-là avec le club.
Il y a des souvenirs qui refont surface ?
Avec des personnes comme Vincent Simonneaux et Pierre Lecomte, je n’ai pas eu beaucoup de mal à trouver des anecdotes. Mais je me souviens de mon côté d’un match à Lorient en 1990 synonyme de remontée en division 1 pour le SRFC. Ça a été une soirée complètement dingue. J’accompagnais les jeunes journalistes Vincent Simonneaux et Bertrand Thomas.
« c’est l’émotion instantanée »
Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ce média ?
Quand on aime le sport et le plaisir qu’il procure, la radio, c’est l’émotion instantanée. Mais j’aime aussi l’écrit pour les histoires que l’on peut y raconter. La radio reste un média très actuel, qui laisse la parole à tous.
C’est un exercice de parole sans parachute…
Oui mais rien ne les effrayait. Les journalistes qui suivaient les Rouge et Noir étaient capables de faire 700km en voiture pour aller à Louhans-Cuiseaux. Ils prenaient le micro, la plupart n’avait jamais fait ça auparavant, mais ils commentaient avec passion et enthousiasme.
Vincent Simonneaux et Bertrand Thomas
Les animateurs radios ne sont pas les plus discrets en tribune de presse !
(rires) Ils ont peut-être été inspirés par leurs collègues sud-américains qui ont peu révolutionné ce métier. Avant c’était peut-être un peu plus calme mais j’aime beaucoup l’enthousiasme dont ils font preuve.
Pourquoi avoir choisi ce titre « Il est libre max » ?
C’est un succès fou des années 80 qui était chanté par Hervé Cristiani. Ça parle à tous les quarantenaires et ça m’a inspiré le titre du livre.
« Une ville où tout est possible »
Comment a été conçue la couverture du livre ?
Par Benoît Debelloir, qui lui-même a été animateur sur la radio musicale Radio Congas qui a eu beaucoup de succès à Rennes à l’époque. Il est aujourd’hui professeur en graphisme et j’ai été très content de sa proposition. Je voulais que la couverture ressemble un peu à un vinyle, un 33 tours.
Cet ouvrage est aussi une autre façon de découvrir notre jolie ville…
Je suis Rennais d’origine et j’ai quitté Rennes en jurant de ne jamais revenir. J’y suis revenu au début des années 80. J’ai mesuré que la ville avait vraiment changé. Une ville où tout est possible, où certains se lançaient dans la chanson, d’autres créaient des radios, d’autres des entreprises. C’est une ville qui bouge, qui créée sans cesse. Je me sens bien dans cette ville. C’est un livre qui ne se veut pas historique ou sociologique, c’est un livre que j’ai voulu pop et léger, dans l’esprit de ces années-là. Il égrène 40 années, de l’arrivée du métro à l’ouverture des Champs Libres en passant par le Couvent des Jacobins et les Trans Musicales. C’est un livre d’amour pour cette ville.
La petite anecdote :
Pour son livre, qui est en vente depuis le 22 octobre dans les librairies rennaises, Yvon Lechevestrier, ancien rédacteur en chef de l’édition de Dimanche Ouest-France, a créé sa maison d’édition AR Collection éditions, AR pour Allez Rennes !
*le 9 novembre 1981, François Mitterrand met fin au monopole de la radio et autorise donc les radios locales à émettre sur la bande FM. Les radios pirates deviennent les radios libres.